jeudi 28 septembre 2017

Le monde et les représentations que nous en faisons

Introduction : 

Sans nous en rendre compte, nous avons tous un angle mort dans notre vision, une tâche noire. Cela est dû à l'absence de photorécepteurs au niveau de la rétine à la jonction entre le nerf optique et l’œil. Cependant, lorsque nous fermons un œil ou que nous avons les deux yeux ouverts, nous ne le remarquons pas, il peut néanmoins être mis en évidence grâce à des expériences. Alors comment se fait-il que nous ne remarquons pas cette tâche noire ? Cette dernière est comblée lorsque nous bougeons les yeux cependant, lorsqu'ils restent fixes, c'est notre cerveau qui, utilisant les autres données visuelles alentours, comble le vide mais sans nous représenter la réalité sachant qu'il l'ignore. Nous possédons donc un angle mort dans notre vision sans nous en rendre compte grâce a l'interprétation de notre cerveau, par conséquent, nous sommes amenés à nous demander si nous sommes séparés du monde par les représentations que nous nous en faisons ?
Par définition, le monde est l'ensemble de tout ce qui existe, la réalité, un as-semblage d'atomes. Le monde serait ici la réalité des faits sans l'interprétation de notre cerveau. De nos jours, grâce aux avancées scientifiques, nous comprenons que ce que nous percevons, les schèmes (schéma imaginaire) que nous avons de la réalité, les images que nous percevons sont des interprétations à partir de notre intuition sensible . L'intuition sensible étant la capacité à recueillir les informations sensibles par les sens, tel que l'ouïe, la vue... Tous ces sens font passer des informations nerveuses au cerveau qui les traite et interprète afin de nous donner à voir ce que nous percevons. Cependant, il faut garder à l'esprit que nos sens sont limités (telle la vue) et ne nous donnent pas une description telle qu'elle est de la réalité. Ainsi, les représentations : les idées, les schèmes que nous nous faisons du monde, d'un objet sont-ils réels ? Notre inconscient (l’ensemble des activités cérébrales qui échappent à notre conscience) ne nous donne-t-il pas des informations fausses pour nous protéger ou bien par impossibilité de retranscrire la réalité ? Si nous possédons des facultés limitées, nos représentations sont-elles de même limitées ? De ce fait, nous nous demanderons si les représentations que nous nous faisons du monde, en tant que schèmes, interprétations par nos sens ainsi que nos facultés limitées nous permettent d'être en adéquation avec la réalité ?
Pour dépasser ce problème, tout d'abord, nous allons nous demander s'il est possible d'atteindre la vérité universelle, car si nous voulons être en adéquation, ne pas être séparés du monde, il est nécessaire d'obtenir la vérité unique à propos de la représentation du monde qui nous entoure. Ensuite, on s'interrogera sur la manière dont nous décryptons, percevons le monde; en effet, c'est l'interprétation et la perception de ce dernier qui peut nous empêcher d'être en adéquation avec la réalité. Enfin, nous nous demanderons si les interprétations ainsi que les théories et croyances qui en découlent sont réelles, puisque nous nous faisons des représentations du monde qui ne sont pas nécessairement vraies .


Première partie : Est-il possible d'atteindre la vérité universelle ?


La vérité est la qualité d'adéquation avec la réalité, c'est une affirmation humaine en concordance avec le réel. De plus, par vérité universelle, nous entendons une vérité absolue, toujours vraie et qui ne dépend pas du temps. Par conséquent, il semble difficile pour l'Homme voir impossible d'atteindre la vérité universelle car ses connaissances (informations concernant un fait) sont limitées par les avancées technologiques et humaines. Dans notre société, les vérités dépendent du temps, un énoncé qualifié de « vrai » peut s'avérer « faux » après quelques années à la suite d'expériences. Nous pouvons prendre l'exemple du modèle de l'atome, au V ème siècle, un premier modèle fut créé par Démocrite et Épicure : « les atomes crochus » afin d'expliquer la cohésion de la matière, puis, après de nombreuses expérimentations, démonstrations et avancées scientifiques, l'atome de Bohr a vu le jour. Dans l'exemple de l'atome, les découvertes successives enrichissent le modèle de base qui n'était pas faux mais on pourrait dire trop simplifié. Néanmoins, dans d'autres cas, les hypothèses passées peuvent s’avérer erronées et nos prédécesseurs se trouvaient ainsi dans l’erreur, comme par exemple l'hypothèse que le soleil tourne autour de la Terre. De ce fait, comment pourrions nous savoir si nous sommes en train de tendre vers la vérité ou si nous nous en éloignons ?
D'après Platon, dans son œuvre La République, plus précisément dans l'Allégorie de la Caverne ( extrait du livre VII), le philosophe nous montre les différentes facettes de la vérité. Ainsi, pour les prisonniers au fond de la caverne, ce qu'ils voient semblent être des vérités, néanmoins, elles sont tout autres pour les personnes agitant les marionnettes au coin du feu. Ces derniers, sont peut-être eux mêmes dans une autre caverne. Par conséquent, Platon nous amène à réfléchir sur ce que nous appelons vérité et nuancer. De plus, le philosophe souligne à travers l'exemple de la personne sortant de la caverne et découvrant la lumière et étant aveuglée, qu'il est très difficile et même impossible d'ouvrir les yeux et donc d'affronter la vérité. Le soleil, représentant la vérité ne peut être regardé en face et par conséquent, le philosophe montre que nous pouvons tendre vers la vérité mais sans jamais l'atteindre. De même, pour sortir de la caverne et donc de l'ignorance, de l’erreur, il est nécessaire d'avoir l'aide d'une autre personne car, à cause de l'accoutumance, cela est impossible à faire seul. De ce fait, pour Platon, la vérité est unique, et nous ne pouvons que tendre vers cette dernière étant donné que la limite de la connaissance est la vérité (autrement dit, la vérité est inatteignable mais l'on peut s'en rapprocher). De plus, si notre société est en erreur, nous ne pourrions en sortir nous-mêmes mais attendre la venue d'autres générations qui nous aiderait à nous en sortir.
Il semble donc impossible d'accéder à la vérité universelle, absolue car nous som-mes constamment influencés par des phénomènes extérieurs. De plus, même si nous sortons d'une « caverne », il est probable que nous restions dans une autre. De même, nous sommes aussi aveuglés par le manque d'avancées scientifiques, ainsi, peut-être que dans quelques années, nous en apprendrons plus sur les représentations que nous nous faisons du monde qui nous entoure et comment il est réellement. Pour Platon, la vérité est unique et nous pouvons tendre vers elle, néanmoins, encore faut-il que nous allions dans le bon sens. Malgré le fait que nous ne puissions pas atteindre la vérité, nous avons la possibilité de nous en rapprocher, par conséquent, les méthodes par lesquelles nous percevons, interprétons et décryptons le monde sont primordiales. Nous éloignent-elles de la réalité ? Ou au contraire nous permettent-elles de tendre vers cette dernière ? C'est pourquoi nous nous demanderons comment nous percevons et décryptons le monde qui nous entoure.


Deuxième partie : Comment décryptons, percevons nous le monde qui nous entoure ?


Notre environnement étant composé d'un ensemble d'atomes, et notre cerveau ainsi que nos facultés mentales (raison, entendement) et notre intuition sensible (capacité à recueillir les informations sensibles : les sens) étant limités , nous ne pouvons pas reproduire la réalité telle qu'elle se présente à nous. De ce fait, lorsque nous percevons le monde, c'est-à-dire lorsque nous décryptons le monde par nos sens et par nos facultés intellectuelles, nous faisons des représentations à partir de notre imagination. Notre imagination crée des schèmes grâce à deux principes purs à priori (présents avant l'expérience) : l'entendement, qui est la capacité à catégoriser et conceptualiser les objets de la réalité ainsi que l'intuition sensible. De ce fait, nous sommes amenés à percevoir le monde grâce à nos facultés (aptitudes,dispositions qui doivent être développées avec l'expérience) et qui, étant limitées, nous donnent une vision incomplète voir faussée de la réalité et du monde. Nous pouvons prendre l'exemple des Daltoniens : à cause d'un problème génétique influençant les cônes (permettant la vision des couleurs), leur vision et donc leur intuition sensible est limitée, et cela entraîne une déformation des représentations de la réalité. Néanmoins, ces représentations sont peut-être plus proches de la vérité que notre vision (qui est elle même limitée, ainsi nous ne pouvons pas voir les rayons ultra-violets ni infrarouges). De plus, nous percevons le monde comme quelque chose d'extérieur à nous, cela est l'aperception transcendantale, elle fait la distinction entre soi et soi-même (qui n'est qu'illusoire) et nous savons que nous sommes l'auteur de chaque image et cela est dû à une interprétation du monde.
Pour éclairer le problème de la perception de notre environnement, nous allons nous aider du livre : Critique de la raison pure de Kant. Dans cet ouvrage, le philosophe nous montre que pour établir des connaissances, l'expérimentation est cruciale et que la possibilité de faire des expériences, induit que nous avons des facultés intellectuelles ainsi que des impressions sensibles. Ces derniers permettent la perception du monde qui nous entoure nécessaire à la réalisation d'expériences, ce sont des principes purs à priori et ils définissent les limites de notre entendement. De même, ces représentations que nous faisons de la réalité sont subjectives (qui dépendent de nous) et ce sont nos facultés intellectuelles : raison et entendement qui comparent, lient et séparent les représentations que nous établissons.
Par conséquent, les connaissances (établies grâce à l'alliance de l'intuition sensible, des concepts ainsi que de l'expérience) du monde qui nous entoure dépendent de la perception que nous avons de ce dernier. C 'est grâce à nos facultés intellectuelles (raison et entendement) ainsi qu'à notre intuition sensible que nous parvenons à percevoir et à comprendre notre environnement. De plus, l'aperception transcendantale, nous fait apparaître le monde comme extérieur à nous, nous nous en distinguons : dans chaque pensée je m'aperçois, je me distingue (le « cogito » chez Descartes) et nous savons que ce que nous percevons dépend de nous. Cependant, nos sens et nos facultés mentales sont bornées, limitées et les représentations du monde que nous nous faisons devraient donc être déficientes. Ainsi, nos interprétations et toutes les théories scientifiques sont inexactes du fait que nos sens ne nous permettent pas de voir la réalité telle quelle. Par conséquent, nous allons nous demander si les interprétations du monde et les théories, croyances qui en découlent sont en adéquation avec la réalité ?

Troisième partie: Les interprétations ainsi qui les théories et croyances qui en découlent sont-elles réelles ?


Les interprétations, c'est-à-dire le sens, la traduction que nous faisons du monde grâce à nos facultés ainsi que nos sens peuvent nous amener à des théories (idéals, connaissances spéculatives indépendantes des applications) ou à des croyances ( fait de croire en quelque chose, en une thèse). Un exemple connu de mauvaise interprétation : lorsque l'opinion, la majorité des personnes pensaient que la Terre était plate. Cette croyance, ancrée depuis des siècles voire des millénaires dans les mentalités valut la mort à de nombreux visionnaires alors que nous étions en tort du fait du manque d'avancées scientifiques et de la limite de nos sens. Nous ne pouvons donc pas être sûrs que toutes les interprétations que nous nous faisons du monde ainsi que toutes nos théories et croyances sont réelles car nous ne cessons de faire des découvertes et ce qui est vrai aujourd'hui peut s'avérer faux demain.
Dans La formation de l'esprit scientifique, Bachelard souligne tout d'abord que nous ne pouvons pas faire lumière entièrement sur le réel, il restera toujours des zones d'ombre, nous ne serons jamais en adéquation totale avec le réel. Cependant, nous pouvons nous en rapprocher, pour cela il faut de la méthode : nous ne pouvons adhérer en l'opinion qui a en droit toujours tort car elle part d'idées reçues et ne les remet pas en question bien qu'elle puisse avoir raison en fait. Pour obtenir des théories, des connaissances réelles, il faut exercer son esprit scientifique, ne pas avoir d'opinions sur des questions et de même revenir sur les erreurs passées. « Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit » ( Bachelard), cette citation montre que nous devons lutter contre l'envie et l'habitude de donner des opinions, avis sans investigations, bien que tout le monde puisse détenir la vérité, il faut distinguer avoir raison en droit et avoir raison en fait. La vérité, la connaissance du réel se construit afin de lever le voile sur un passé d'erreurs, bien que nous ne puissions pas faire lumière sur la totalité. Pour prouver la véracité de nos interprétations, cela nécessite une démonstration scientifique et non pas une seule intuition ou un seul suivi des croyances et théories de l'opinion.
De ce fait, les interprétations du monde ainsi que les théories et croyances qui en découlent peuvent s'avérer vraies cependant, comme le souligne Bachelard, il faut distinguer : avoir raison en fait et avoir raison en droit. Pour aller vers des vérités, il faut se baser sur des choses solides comme la science et ne pas suivre l'opinion. Cependant, la connaissance du réel garde ses zones d'ombre et comme nous l'avons montré, nous pouvons tendre vers la vérité universelle mais sans jamais l'atteindre. L'impossibilité d'atteindre la vérité concernant le monde s'explique en partie par la manière dont nous le percevons. Les interprétations et les représentations du monde que nous nous faisons ne sont donc pas réelles mais peuvent prétendre tendre vers la vérité.

Conclusion :


En conclusion, nous avons tout d'abord montré que nous ne pouvons pas atteindre la vérité absolue car étant donné qu'elle est unique et que nous ne pouvons pas regarder la vérité en face, elle nous est inaccessible. Les représentations que nous nous faisons de la réalité, les schèmes que nous élaborons ne seront donc jamais en adéquation totale avec le monde. Ensuite, nous nous sommes interrogés sur la manière dont nous percevons notre environnement, ainsi, nous avons vu que la perception du monde nécessite l'utilisation de nos facultés intellectuelles et de notre intuition sensible. Ces dernières étant bornées, elles ne nous permettent pas de décrypter le monde (association d'atomes) tel qu'il est vraiment. Enfin, nous avons mis en avant que les interprétations que nous nous faisons des phénomènes extérieurs, du monde, nous font aboutir à des théories, croyances qui ne sont pas toujours réelles du fait de nos capacités limitées. De plus, nous avons montré que nous ne pouvons pas entièrement faire la lumière sur la réalité mais il restera toujours des zones d'ombre. Nos modèles actuels nous semblent vrais mais comment savoir si nous sommes en train de tendre vers la vérité ou si nous nous en écartons ? De ce fait, les représentations que nous nous faisons du monde, les schèmes que nous établissons grâce à notre imagination ayant pour origine nos facultés intellectuelles et notre intuition sensible et ces derniers étant limités, les images que nous créons du monde ne sont pas en adéquation avec la réalité mais peuvent seulement prétendre à tendre vers la vérité. Nous sommes donc séparés du réel de manière plus ou moins importante car nous ne pouvons pas être en adéquation totale avec lui et seules les futures avancées scientifiques nous éclairerons sur notre éloignement à la réalité.

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